vendredi 27 février 2015

27-28 fevrier 2015 : Doi Mae Salong


Des cultures de the bordent la route a flanc de montagnes et je retrouve a Doi Mae Salong des allures de Chine. Meme si la Thailande n’en est pas frontaliere, une forte communaute chinoise perdure ici, au point que la ville est surnommee « China Town », sous une tragique histoire, dont voici un succin resume :

  • Lors de la chute de la derniere Dynastie chinoise, Qing dans les annees 1910, deux groupes politiques naquirent, les communistes et les democratiques. Ces derniers, plutôt present dans le Sud (comme dans la province du Yunan) se firent rapidement depasser lors de conflits contre la puissance communiste et durent fuir vers la Birmanie (nouvellement : Myanmar). Mais alors en statut irregulier, de nouveaux conflits eurent lieu contre les Birmans, aides par les chinois communistes. C’est ainsi que les democrates fuirent encore vers le Nord de la Thailande, aide par la CIA pour cultiver l’opium contre l’import d’armes et toujours dans l’espoir de revanche. 

  • Autour de 1960, les Etats-Unis d’Ameriques abandonnerent le combat contre les communistes chinois. Le general chinois democrate en fit alors de meme, poussant une partie de la population exilee a rejoindre Taiwan. C’est ainsi que apres de nombreuses annees de fuite, ils reussirent a constituer leur propre gouvernement (grace a un accord avec la Chine …?).
  • Dans les annees 1970 de grosses manifestations des etudiants et intellectuels se declencherent contre le gouvernement monarchique thailandais. Mais la repression fut telle que des guerillas « communistes » (ainsi categorisees par le gouvernement) se replierent dans les montagnes centrales du pays. Dans de telles conditions, l’armee thailandaise s’avera inexperimentee, forcant le gouvernement a utiliser les chinois democrates (toujours en situation irreguliere) dans cette lutte et leur proposa enfin la nationalite thailandaise.

Je comprends alors le nombre important de voitures chinoises croisees sur ma route : les liens familiaux restent forts.

Doi Mae Salong est surplombee par un temple et une stupa bouddhiste et en ce debut d’apres midi, j’en profite pour aller y voir le panorama qui vaut en effet le coup d’œil.




 













Me sentant moins pousse aux fesses par un gros objectif, je me laisse trainer un petit peu dans les rues avant de me poser tranquillement en terrasse d’une auberge. J’y rencontre Young Ho, coreen, 47 ans. 2 ou 3h plus tard, nous sommes toujours au debut de notre echange quant aux manières de voyager et notre vision de la chose. Nous nous reconnaissons mutuellement comme des voyageurs ayant franchi le stade du circuit touristique habituel. Pourtant nous ne sommes pas non plus sur le meme chemin. Cette difference rend notre discussion passionnante. Je veux apprendre son style et il veut apprendre le mien. Il n’est plus question d’echange de bonnes adresses de restaurants ou d’hotel, nous nous attardons sur le point de vue philosophique du voyage.

Si bien qu’il me propose de m’heberger dans cette meme guest house. Alors oui a premiere vue cela semble etrange pour le commun des mortels d’aller dormir dans le meme lit qu’un homme fraichement rencontre. Mais la demarche m’intrigue plus que j’apprecie l’offre. Voir les choses des plus simplement, naturellement, sans se mettre des idees farfelues en tete pour rien. Voila qui me plait !
Young Ho est de ceux qui faconnent ma pensee et ma manière de voyager. Sa vie, atypique, merite d’etre contee :

  • Apres les etudes, il se lance dans le tourisme. D’abord en Coree (operateur, 1 an) puis en Thailande (guide touristique local, 6 mois) mais dans les deux cas, le cadre professionnel lui deplait. Il prefere alors passer du bon temps avec les touristes sans forcement chercher a leur soutirer de l’argent.

  • A 25 ans, il retourne en Coree et deviens « tour leader ». Pendant 3 ans il accompagne des groupes de touristes dans le monde entier mais fini par en etre epuise.

  • Il demenage alors a New York pour redevenir guide touristique local pendant 3 autres annees. Sous la pression de sa famille, il se mari mais continu de vivre a NYC.

  • Lui et sa femme projette de monter un restaurant coreen a Phuket, Thailande, mais il sent la necessite de se rapprocher de ses parents en Coree.

  • De retour a Seoul, ils ecrivent alors un guide touristique sur Phuket qui ne prend pas beaucoup d’ampleur contrairement a la creation d’un site internet. Celui ci presente le principe de voyager par ses propres moyens avec toutes les informations pratiques necessaires. Le site et le couple deviennent alors assez populaires.

  • Si bien qu’apres deux ans, ils ouvrent un cafe dedie au voyage qui fonctionne lui aussi tres bien.

  • Pendant 10 ans, ils gerent le cafe et le site internet par le biais d’une vingtaine d’employes. Young Ho et sa femme visitent de nombreux hotels luxueux afin de les noter pour le site internet sejournant ainsi de longues periodes tous frais payes a Bali, aux Maldives et autres.

  • Mais l’immersion dans ce luxe, telle une drogue, change peu a peu leur esprit, leur notion du plaisir des choses et du temps. Selon Young Ho, ils etaient au sommet de ce que peut offrir le capitalisme et ils ne souhaitaient pas perdurer dans cet environnement. Ils decident alors de changer de versant, en allant vers des choses plus simples. Peu a peu, les membres de leur site diminuent face a l’incomprehension de la demarche, de meme que le nombre de clients au cafe. Ils se retrouvent donc de moins en moins suivi tandis qu’ils souhaitent montrer d’avantage les bienfaits de la nature, le camping, les vrai relations sociales…

  • La philosophie du voyage prend alors de plus en plus de place dans leur vie. « La vrai liberte n’est pas dans le voyage mais dans la vie ». Il s’agit alors de ne faire plus qu’un : devenir local dans le voyage.

  • Pendant 4 ans, ils adoptent une vie nomade, sejournant de plus ou moins longues periodes d’un pays a un autre, simplement et souhaitant aller en profondeur dans les interactions avec le pays. Ici nait le concept des « trocals » : les voyageurs locaux. Le concept pourrait etre comparable a l’entre deux de l’expatriation et le Couch Surfing (reseau internet mondial pour voyageurs offrant et souhaitant la rencontre ou l’hospitalite). C’est un peu ce que j’ai eu l’occasion de faire au Vietnam, ou au bout de 3 mois a Sapa, j’ai emmene quelques jours un groupe d’amis hors des sentiers touristiques de la region.

  • Il y a deux ans, apres un divorce, Young Ho fait le tour du monde en 80 jours en rencontrant toutes les personnes rencontrees auparavant (meme au Mans, France !!) toujours a la recherche d’un mode de voyage et de rencontre plus pur. Il ira jusqu'à passer quelques jours dans un village de « hippies » dans les Pyrenees et partager la vie de SDF pendant 1 semaine a Seoul. A son retour, il continu de voyager en Coree toujours par le meme concept qu’il desire plus que tout partager.

  • Il y a 4 mois et grace aux recettes inattendues de son guide touristique, il lance son ultime voyage : le tour du monde en 8000 jours (22 ans). J’imagine qu’apres ses 22 ans de voyage, il veut prendre sa revanche par un chemin de vie direct vers ses ambitions et ses reves. Son but est simple, construire un monde meilleur, nourri par une meilleure comprehension des uns et des autres et par le partage. « simple » dans les mots uniquement. Qu’il est difficile de croire en un tel projet. Nous sommes tellement encadre par les regles courantes de la societe que nous ne laissons plus de place aux reves ni aux grandes ambitions pacifiques. Je tombe alors de haut, moi qui me presente parfois comme un activiste pacifique, un reveur qui croit en l’Homme et que le monde peut changer. Qui suis-je reellement si je doute d’une personne qui veut faire de cette ambition non seulement une experience mais toute une raison de vivre …?

  • C’est donc a Phuket qu’il a commence ce voyage ou il a achete une moto, est remonte jusqu’au Laos et est de retour en Thailande pour visiter le Nord. C’est aussi a quelques kilometres de Chiang Rai, proche de la grande universite de Mae Fa Luang, qu’il vient de commencer a louer une petite maison pour 6 mois afin de commencer a ecrire le recit de cette aventure.

Precedemment, je parlais de notre manière differente de voyager. Elle se resume au fait que Young Ho developpe surtout le cote social tandis que je developpe la partie aventure. Lui est capable de sentir la bonne personne qui lui permettra d’entrer d’avantage dans la vie locale. De mon cote, je suis capable d’elaborer un campement et me debrouiller en assez bonne autonomie dans la nature. C’est ainsi que nait en nous le desire d’apprendre a developper le style de l’autre.

Tout du long il semble se passionner de mes aventures. Je le surprends, qu’il n’est pas dans mes priorites d'avoir une tente en voyage et d'etre moins inquiet de dormir a la belle etoile, me permettant de garder un œil sur l’environnement. Il m’identifie alors comme un extremiste, un aventurier et qu’une part de local complete déjà mon cote voyageur (dans le sens mensionne precedemment). Il me fait part aussi qu’en 4 mois je suis le premier etranger dont il s'interesse, lui qui ne reste habituellement qu’avec les locaux. Je ne sais alors plus ou me mettre. Cela fait beaucoup de compliments d’un coup. Ai-je déjà tant evolue depuis mon depart ?

Le 28 fevrier, suite a sa proposition, je reste a Doi Mae Salong pour une nuit de plus me permettant d’ecrire un peu. Nous en profitons pour aller au marche et s’impregner des saveurs locales avant qu’il ne cesse a 8h30. Nous n’y voyons pas beaucoup de touristes en tout cas ! Je goute aussi le lait de tofu servi sucre. C’est tres bon !















En debut d’apres midi, a la recherche d’un petit restaurant local, nous sommes intrigue par un grand nombre de motos dans une rue qui se termine par un grand hall. En se rapprochant nous decouvrons une fete de mariage chinois. Devant nous, entre 150 et 200 personnes sont attables. Au fond, nous distinguons les maries que Young Ho ne tardera pas a aller saluer. Moi, avec mes yeux non brides et ma culture, je me sens observe et gene comme si je violais l’intimite familiale.













Apres 5 minutes a l’ecart, Young Ho revient, m’informant que nous sommes invite a prendre place. J’ai alors terriblement honte d’integrer la fete vetu d’un t-shirt jaune petant et d’un short qui rend l’ame depuis déjà quelques mois. Il n’est pas coutume de se mettre sur son 31 mais quand meme…

Je commence donc par aller saluer les maries et leurs parents puis nous nous installons. Young Ho a en effet trouve un des parents pour se presenter, s’interesser et laisse la possibilite de se faire invite. Alors que nous savourons les differents plats, la sœur du marie nous rejoint pour un moment, nous permettant de nous interesser a nouveau. C’est ainsi que la methode de Young Ho fait déjà ses preuves.

J’ai la profonde impression que cela depasse les limites de la politesse et je pense qu’il faut en effet y prendre garde. Mais finalement, aller demander aux automobilistes d’une station service s’ils peuvent me prendre en stop ne me parait pas plus impoli. Tout est dans la manière de presenter les choses et dans l’empatie.

Ainsi, je decouvre une reelle technique pour créer des interactions sociales et aller directement dans la culture locale. Qu’il y aurait-il eu de mieux que d’etre connvie a un mariage ?

Mais ce n’est pas comme en France ou les mariages durent 24h. Si tot le dejeuner termine que les invites repartent. Dommage, j’aurais bien danse un rock ou deux… !

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