lundi 11 août 2014

11 Aout 2014 : Tyumen - Omsk

Au petit matin, je me lance a faire du stop en marchant sur la quatre voies de contournement de Tyumen. Ce n’est pas l’ideal mais une large bande d’arret d’urgence non bitume m’assure une part de securite. Je souhaite alors rejoindre un rond point a 1 ou 2 km pour etre place convenablement quand, un jeune couple me propose de m’avancer sur 4 km. Parfait ! Je dois juste insister pour qu’ils me deposent au rond point et non plus loin. C’est en effet plus interessant compte tenu que les automobilistes conduisent plus lentement, leur permettant de bien lire ma pancarte, prendre le temps d’y reflechir et de s’arreter prudemment pour eux et pour moi.

Poste a la sortie de ce rond point, un nuage de poussiere s’abat sur moi a chaque passage de camion et ce, pendant 30  ou 45 minutes. Pourtant cela n’empeche pas Vladimir, un vieux monsieur dans sa vielle voiture, de me prendre a son bord jusqu'à une station service au niveau de Yalatorovsk. J’y fais alors le tour des routiers, toujours avec ma phrase prenotee expliquant mon statut d’autostoppeur et indiquant ma direction. Je leur demande aussi de passer un appel radio mais sans reponse. En continuant ma deambulation, je tombe avec surprise sur un camion Polonais vers lequel je m’empresse pour saluer chaleureusement ce confrere europeen. Mais malheureusement il prend la direction opposee sans quoi il m’aurait embarque.

Alors de retour sur le bord de la route, je recoit la seconde couche de poussiere avant qu’une Lada s’arrete et m’emmene jusque Ishim, ou apres une troisieme couche Alexander, le livreur de pain, m’invite dans sa fourgonette jusque Omsk d’où il est parti ce matin meme.

Les paysages s’elargissent, l’Oural est déjà loin, place a la Siberie. Qu’il est impressionnant d’imaginer ces etendues de plaines couvertes de blanc et par de rudes hivers.


 










Pour continuer l’observation de la nature je constate qu’ici, le cannabis pousse sur le bord des routes, dans les champs et en bordure de potagers, telle une mauvaise herbe.


Alexander m'explique que l'allee retour se fait dans la journee en ete mais il me donne l'impression qu'il ne faut pas chercher a compter en periode hivernale. Mieux vaut partir avec des vivres et un bon duvet !

De plus en plus, je me dis qu'il serait tout aussi interessant de traverser la Russie en hiver, meme si d'avantage de precautions seraient a prendre. Finalement, c'est cette part d'extremes qui rend la Russie attirante en depit de sa politique. Il y a des cons, des situations surprenantes, des moeurs inhabituelles. En soit des differences comme partout. Et que pensent les cultures etrangeres de la notre ? C'est pourquoi, plutot que de juger un environnement par rapport a nos references culturelles dans lesquelles nous sommes scerne, je prefere tant bien que mal l'analyser selon les moeurs locales observees. Cette philosophie, qui reste a excercer, est en quelque sorte la cle de voute de mon voyage ; celle qui ouvre mon champ de vision et fait me sentir si bien sur la route, ouvert a l'inconnu. Il y aurait de nombreuses manieres de l'expliquer mais la plus juste est la plus simple se resume a la Liberte. Pas celle que l'on dit a haute voix sans se rendre compte de sa juste valeur, mais celle que l'on peut ressentir du plus profond de nos entrailles. Rare est ce frisson, alors il faut se battre pour le trouver.

Alexandre, avec qui je roule 300 km soit 4h, est de ceux qui rendent le voyage des plus agreable. Il a de legeres notions d'anglais et cherche malgre tout a communiquer meme si c'est le plus souvent en russe. J'ai alors, tout le long du trajet, mon Assimil sous la main pour faire ma part d'efforts. C'est en effet ainsi que l'on apprend le plus une langue : baigne dedans jusqu'au cou. De temps en temps, l'incomprehension prend le dessus et nous finissons par laisser tomber les explications en rigolant. Lors d'une pause, Alexander me sert un grand cafe de sa thermos et le dernier sandwich que sa femme lui avait prepare. Je croque alors dans l'epais jambon tiede en esperant ne pas avoir d'effets secondaires. Mais c'est offert, ca ne se refuse pas. Il me donne aussi du pain tout droit sorti d'un compartiment de sa fourgonnette. Decidement, il m'aura vraiment choye !

En arrivant vers Omsk, il passe de nombreux appels radio pour me faire continuer. A nouveau sans reponse. J'ai alors a contourner la ville par une route que les routiers sont sense emprunter, mais la soiree commence et je dois penser doucement a un point de chute pour camper. Me voila donc a decharger mes bagages. Je peux desormais remercier allegrement mon ami.

Cela me souciait, avant de commencer mon voyage, de rencontrer de nombreuses personnes et de devoir les quitter ensuite en sachant pertinament que je ne reverais pas grand nombre d'entres elles. Finalement, je me fais a cette idee, n'ayant pas non plus le choix, mais il m'est important de me souvenir de chacunes de ces rencontres et de faire entendre l'aide qu'elles ont pu m'apporter. Elles sont finalement comme des maillons de la chaine de mon voyage. Sans l'un d'entres eux, je ne serais peut etre pas la ou j'en suis, en bonne route et ravi de mon experience. Comme quoi, le Monde est peut etre bien different de ce que l'on peut croire ; meme si j'entends bien que cela depende des experiences de chacun. Me voici donc pied a terre quand un mini fourgon benne plein de bouteilles de gaz arrive de nul part pour se garer a mon niveau. "Hey, I will help you !" m'annonce Andrew des plus spontanement, si bien que j'en suis sceptique. Mais soit, allons eclaircir se doute ! "I will bring you home. Shower, diner and bed" complete t-il. Cela en devient surealiste !

De nouveau sur la route sans avoir eu a tendre le pouce, tous mes sens sont en eveil pour deceler une eventuelle antourloupe. Je lui raconte le concept de mon voyage, ma route passee et mes projets a venir. Je le questionne aussi sur son metier et sa famille, en plus des sujets habituellement plus superficiels. Mais c'est lorsqu'il m'annonce avec un ton et un regard digne de confiance qu'il me conduira demain matin sur une station service a la sortie de la ville que je quitte mon scepticisme et prend conscience de la chance qui m'arrive.

Jeremy Marie, un francais ayant accomplit un tour du Monde en auto-stop pendant 5 ans (2007-2013 ; "Mon Tour du Monde en 1980 Jours"), fait reference a une "bonne etoile" qui l'accompagne lorsqu'il est sorti de situations delicates miraculeusement. Je suis tres loin de certaines de ses experiences mais je commence a sentir une bonne energie qui me supporte aussi dans ce voyage par de telles rencontres.

Andrew m'emmene donc dans son village en bordure de Omsk et a 10 minutes de ma route. Celui-ci est forme d'une enceinte fermee et dotee d'une entree tenue par un garde. Les petites parcelles, les une contres les autres et separees par des palissades, me font penser a un entre deux de lotissement et de camping. Pas de grandes maisons luxueuses, ici git un cadre plutot populaire ou tout le monde semble se connaitre. Andrew construit ici sa maison en alternant 1 semaine de travail de livreur de gaz et 1 semaine sur son chantier. Ainsi, la structure principale et le toit semblent bien avance et il espere avoir termine avant l'hiver. Pourvu qu'il y arrive car la seule piece actuellement fermee risque d'etre rudimentaire par un climat plus rigoureux.

Je rencontre aussi sa femme Natacha, policiere, alors qu'une longue soiree commence. Je passe d'abord par le bania, la douche typique Russe situee au fond du jardin dans un cabanon. J'y trouve une cuve d'eau sur un poele a bois, pour l'eau chaude, et un gericane d'eau froide. Il suffit alors de faire son melange dans une bassine. Quel pied ! Je me savonne et me re-savonne, adieu la poussiere et les cheveux en paille ! Mais un detail me vient tardivement : je ne suis pas sur d'avoir compris comment me rincer correctement... En esperant bien faire, je fini par me verser la bassine sur le crane. C'est tout de meme folklo ! Le petit plus de ce lieu, mi bania, mi abris a outils, ce sont les pierres chaudes sur le poele. En les aspergeant d'eau, un nuage de vapeur se degage et le mode hamam est alors active. Je pourrais y rester un bon moment mais les autres doivent passer apres moi.

Plus tard, on m'invite a table, dans la zone a l’air libre de la maison, ou je recois un borchtch, la soupe traditionnelle Russe que j'ai eu frequemment l'occasion de manger. Ce bouillon de legumes et de viande passe alors tres bien avec aussi un peu de creme. Andrew ouvre aussi une grande bouteille de biere de 2 L qu'il affone quasiment apres m'avoir servi un grand verre. Si jusque la j'appreciais de boire ma biere avec du saucisson, ici on la boit avec du poisson seche ; ce qui n'est pas mauvais non plus. On me sert aussi un gros plat de pate avec des saucisses a croire que je semble necessiter autant d'attention. Bien entendu, le tout est complete par une tasse de the. Je remarque que malgre la grande gentillesse et la complicite du couple, le role de la femme est d’avantage present en cuisine et aux taches menageres. Il devient alors assez genant d’etre autant servi mais il faut se faire au statut d’invite. Le frere de Natacha nous rejoint plus tard et la partie de rigolade continue toujours a l’aide de mon Assimil Russe et des traductions d’Andrew qui a passe quelques annees en Angleterre auparavant.

Il semble que la presence d’un etranger chez cette famille est exceptionnelle, en consequence de quoi tout tourne autour de moi ce soir. Je passe alors de l’autostoppeur vu parfois bizarrement, a une position centrale, integre dans la famille. Au point qu’ils m’assurent souhaiter que je reste d’avantage chez eux. Mais il me reste pas mal de route avant de rejoindre mon amie Mylene qui arrive en Mongolie par avion le 27 Aout. Je dois aussi avouer que j’attends impatiemment ma part de solitude au Lac Baikal. En effet, aussi surprenant que cela puisse paraitre, je passe la majeur partie de mon temps entoure d’autres personnes. C’est bien sur agreable et enrichissant mais un tel voyage est aussi propice aux remises en question et a la reflexion sur le sens de la Vie.

Malgre l’ambiance qui regne autour de la table, je ne peux m’empecher d’afficher une certaine fatigue. Je m’imagine alors passer la nuit confortablement installe dans le canape a l’air libre mais on m’invite a prendre place dans la piece fermee ou un lit m’attend déjà. Contre un autre mur se trouve le lit du couple qui, quelques instants plus tard y regarderont la TV en murmurant de temps en temps. C’est alors pour moi un honneur qu’ils ne fassent dormir dans la meme piece qu’eux. Ils pourraient souhaiter leur intimite et leur propre confort, mais non. Il semble qu j’ai accede a un fort degre de consideration de leur part, et j’en suis on ne peut plus touche.

Honnetement, combien d’entre nous ont déjà donne, ou recu, autant de generosite a, ou de la part, de parfait inconnus ? Pour ma part, c’est aujourd’hui une grande lecon de vie.

"Hey, I will help you !"

2 commentaires:

  1. Si je comprends bien les allemands, polonais, lituaniens, russes et autres autochtones ont l'air plutôt sympas mais force est de constater, sans un léger sourire, que la plupart de ces personnes sont des routiers!! un vrai plébiscite pour la profession tes récits depuis le début du voyage :o) dommage que tu n'ai pas le permis international car j'ai l'impression que tu es devenu un fin connaisseur et que conduire serait une simple formalité :o)
    Super sympa de lire tes anecdotes et passages romancés ponctués de temps de temps de savoureux "réfléchissement Jean Pierre" ©Dany Boon !! :o) Tout ça permet de voyager un petit peu avec toi (bon certes avec un mois de retard mais n'est pas Marty Mcfly qui veut!

    Un dernier mot: Profite!

    Ton beauf'

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  2. Merci pour ce magnifique récit... Les mots sonnent si juste. Ton texte donne l'impression qu'on y est aussi. Ce temoignage est rempli de gratitude aux belles personnes que tu rencontres... Hâte de lire la suite!Cécile

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